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Les informations vinicoles de Grafé Lecocq

Les informations vinicoles de Grafé Lecocq

Millésime 2022 : sous le soleil exactement...

Comme chaque année, nous avons pris le chemin des vignobles à travers toute la France à la découverte du millésime 2022. Et voici ce que nous en pensons.

Un constat s'impose : le dérèglement climatique n'est pas une vue de l'esprit. Les années chaudes succèdent aux années chaudes (exception faite de 2021).

2003 avait marqué les esprits avec sa canicule extrême entre le 1er et le 15 août. En 2022, ce ne sont pas moins de trois vagues qui se sont succédées durant l'été (en France : du 14 au 22 juin, du 9 au 27 juillet et du 29 juillet au 14 août).

Pour faire face à cette situation, le capital hydrique des sols devient un enjeu majeur et une attention particulière se porte sur les pluies hivernales : elles furent heureusement présentes durant l'hiver 2021-2022, ce qui a certainement permis de limiter la casse.¹

Il n'en demeure pas moins que par forte chaleur, la vigne se bloque et cesse de faire mûrir ses fruits (on parle de stress hydrique ou de blocage végétatif). Ce phénomène est généralement plus prononcé sur les sols drainants et les coteaux bien exposés, ce qui a en effet été constaté en 2022.

Fait positif cependant, avec ce temps sec, la pression des maladies oïdium et mildiou a été faible, ce qui a réduit les besoins de traitement, et ce, particulièrement dans les filières "BIO" et "lutte raisonnée" : c'est une excellente nouvelle !

Autre conséquence : des rendements inférieurs aux attentes. Toute la filière espérait que la nature se montre un peu plus généreuse qu'en 2021, année historiquement faible en production suite aux épisodes de gel. Ce ne fut pas totalement le cas : le manque d'eau a donné des raisins riches en matière mais pauvres en jus. Même si la production française 2022 est supérieure à la moyenne quinquennale grâce à la Bourgogne (hors Beaujolais), la Champagne, le Centre Loire et le Rhône.

Au niveau qualitatif, on peut globalement se réjouir : c'est une bonne à très bonne année en rouges, et une année moyenne à bonne en blancs. Les vins rouges sont généralement concentrés, mûrs, riches en matière (il fallait toutefois vinifier tout en délicatesse pour éviter d'extraire des tannins secs) ; les blancs également, avec néanmoins un bémol : ils souffrent souvent d'un manque d'acidité (l'excès de chaleur grille l'acidité des raisins) et d'éclat aromatique, surtout dans l'Est. Il nous a fallu, dans nos choix, être très attentifs à cela.

Voici maintenant notre analyse par région.

Beaujolais

L'effet de sécheresse a ici joué en plein, avec un déficit de récolte de 50 % dans les zones sud de la région. Des raisins oui, mais peu de jus. Ceci dit, la qualité est au rendez-vous : les vins sont mûrs, riches, d'une belle concentration. La nature du gamay apporte cependant une certaine fraîcheur et une plaisante souplesse dans les vins. Cela rappelle le style du millésime 2020 alors que les 2021 décevaient souvent avec une texture un peu ténue.

Quelques pépites :

Bourgogne

En blancs

Dans le Mâconnais, le déficit de récolte est de 20 %. Les vins sont riches, aromatiques, avec parfois un léger manque d'acidité.

A Chablis, on note quelques dégâts dus aux gelées mais globalement, le volume final fut satisfaisant, notamment grâce à un épisode pluvieux bénéfique seconde quinzaine d'août.

Idem en Côte de Beaune et Chalonnaise. Les vins sont opulents mais parfois peu mats. Année hétérogène.

Un millésime avec de très belles réussites plus en altitude, comme dans les Hautes Côtes de Nuits et de Beaune, et aussi un regain d'intérêt (en tout cas pour nous) pour un cépage plus tardif et plus acide : l'aligoté. Il fait dès lors son retour dans notre gamme.

Quelques pépites :

En rouges

Les pinots noirs son indéniablement solaires : colorés et riches en matière. De très bons vins, qui "se font bien", mais pas tous : les vins trop extraits ou issus de coteaux très exposés ou de terroirs fortement drainants ont parfois des tannins un peu secs. Sur les belles qualités la garde sera bonne à très bonne.

Bémol : des prix qui restent très élevés  malgré une récolte au volume très satisfaisant. Les Grands Crus et les Premiers Crus de la Côte de Nuits s'envolent encore...

Languedoc Roussillon

En volume, la récolte est globalement déficitaire à cause de la sécheresse.

Qualités hétérogènes en blancs et rouges selon les terroirs et les expositions. On est parfois surpris de déguster des vins du sud, de couleur moyenne, manquant de fond : ce sont des cuvées issues de parcelles ayant connu un blocage du cycle végétatif. Les syrahs ont particulièrement souffert.

De belles cuvées existent cependant. Notamment dans le Roussillon, nous avons trouvé de beaux vins rouges colorés, complexes, avec une petite note de sur-maturation, signature du millésime.

 

Notre Viognier 2022

Bordeaux

La Gironde a malheureusement fait les gros titres durant l'été avec des incendies de forêts dévastateurs. Un drame écologique, humain et matériel, mais qui faisait aussi craindre pour les vins du millésime. En effet, ces phénomènes ont également touché, dans un passé récent, des vignobles en Californie et en Oregon. Les vignes furent exposées aux fumées et les raisins furent contaminés : les vins en vinification révélaient une forte odeur de fumée, rendant la vinification en rouge impossible.

Heureusement (si l'on peut se permettre ce terme), ce ne fut pas le cas pour les vins rouges de Bordeaux en 2022, car l'exposition aux fumées s'est déroulée à un stade plus précoce de la maturation des raisins.

En outre, le gel et la grêle (Médoc) ont également sévi sur la région. Certaines zones perdant un bon tiers de production. Ajoutez à cela, comme ailleurs, la sécheresse et vous obtenez une récolte girondine déficitaire.

Grande consolation cependant à la dégustation. Les blancs nous plaisent, avec des vins très aromatiques. Exceptés les vins vinifiés avec un peu trop d'extraction, et dès lors un peu serrés et mats, les rouges nous ont fait très bonne impression : ils sont colorés, ont du fruit, du fond et se font très bien. Note ++ pour les cabernets. Un millésime de bonne garde.

Quelques pépites :

Loire

En volume, si le centre Loire (Sancerre, Pouilly) a "fait le plein", d'autres zones (Touraine) furent touchées par le gel printanier, moins qu'en 2021 mais de manière significative tout de même par endroits (exemple à Cheverny avec 40 % de perte).

Les blancs sont très réussis : on est, comme à Bordeaux, agréablement surpris par l'aromatique et des équilibres d'acidités corrects. Par exemple, les vins de Sancerre et de Pouilly ont une meilleure fraîcheur que ceux issus du millésime 2020 (autre millésime solaire). Les blancs de Touraine nous ont également conquis.

Les rouges sont également très jolis : le cabernet franc a bien mûri, les vins ont une belle texture, des notes de fruits mûrs, de belles robes... une belle année solaire. A Sancerre, les pinots noirs sont splendides.

Quelques pépites :

Alsace

Il y a eu des pertes dues au gel : la récolte est moindre comparée à la moyenne quinquennale.

Qualitativement, les vins sont généralement assez riches, opulents même. C'est un millésime favorable aux terroirs qui tiennent l'acidité et la fraîcheur dans les raisins. Les vendanges furent précoces, avec un démarrage fin août.

Notre Pinot Noir d'Alsace BIO 2022

La Vallée du Rhône

Globalement, tant en volume qu'en qualité, c'est une bonne année. Intéressant de constater aussi une hausse sensible de la proportion de blancs produits : de 4 % il y a 5 ans à 11 % en 2022.

En blancs et rosés, nous avons eu une attention particulière pour l'aromatique et l'acidité dans les vins proposés.

En rouges, c'est un millésime prometteur. A noter un phénomène inhabituel, conséquence à nouveau des fortes températures : les terroirs tardifs ont bien résisté à la chaleur et les précoces, généralement des coteaux ou des terroirs drainants, ont accusé un retard suite à un blocage de cycle végétatif.

Dans la partie nord, des pluies à la mi-août ont aidé à débloquer la maturation et regonflé les raisins.

Nous avons donc trouvé les vins bons à très bons, en écartant les vins moins équilibrés.

Quelques pépites :

Conclusion

En résumé : une année saine, des vendanges historiquement précoces, beaucoup de soleil et de chaleur, des aléas climatiques et de fortes disparités de production selon les régions mais, en règle générale, des vins de qualité : voici ce qu'on peut conclure à propos du millésime 2022.

Nous avons donc pu acheter de très belles qualités.

Quid des prix ?

En 2021, vu le volume historiquement faible, les prix avaient augmenté pratiquement partout. La tendance ne s'est pas inversée en 2022, car dans beaucoup de régions, il fallait reconstituer un matelas de stock, aussi bien dans les propriétés que chez les négociants. De plus, les coûts de production ont augmenté avec l'inflation.

Sur les vins d'entrée et de milieu de gamme, les cours sont généralement stables, comparés à 2021. Par-ci par-là, de légères baisses.

Quelques situations spécifiques

  • Le Beaujolais : deux récoltes historiquement faibles de suite ont fait grimper les prix à un niveau rarement vu.
  • Les vins haut de gamme de toutes les régions grimpent : par exemple Pauillac, St Julien, Côte Rôtie, Châteauneuf-du-Pape, la Bourgogne Côte d'Or, Sancerre, ... ces grands vins partent de plus en plus à l'export avec des prix en hausse.
  • Les prix des vins d'entrée de gamme à Bordeaux sont en baisse, et même en crise : ces vins souffrent sur l'un de leur principaux marché : la Chine. La consommation s'y est en effet effondrée de manière sidérante : moins de 50 % entre 2017 et 2022. Le vin, un effet de mode qui s'estompe ?

Bernard GRAFE

¹ Par contre, l'hiver 2022-2023 a été trop sec dans la majorité des régions viticoles. Le déficit hydrique est inquiétant pour le millésime à venir.